LA FINANCE ISLAMIQUE, UNE ALTERNATIVE POUR LA CRÉATION DE L’EMPLOI ET DE LA PROMOTION DU PARTENARIAT

Al-Musharaka Dégressive, un outil pour l’emploi des jeunes en Guinée

Par Adama BERETE : La finance islamique est un système financier basé sur le partage de profits et de pertes, l’adossement des financements à des actifs tangibles, l’investissement dans l’économie réelle et sur l’interdiction de l’usure, de la spéculation et de la création de l’argent par l’argent sans effort humain. Elle est apparue avec l’avènement de l’islam. A l’époque, un marchand aisé finançait une opération menée par un entrepreneur et les deux se partageaient le profit et la perte à égalité. La forme actuelle a été formulée à partir 1940 par le pakistanais Sayyid Abdul Ala Maududi. (Https//journals.openedition.org/ethiquepublique : 02/09/2020 ; 20h29).

Parmi les produits de la finance islamique, on distingue Al-musharaka dégressive qui n’est rémunérée qu’après la réalisation des bénéfices et suivant le pourcentage prédéfini dans le contrat entre l’entrepreneur et l’associé.

De par ses conditions de rémunération, Al-musharaka dégressive est devenue un instrument indispensable pour la création de l’emploi pérenne, surtout au moment où le phénomène de chômage est plus en plus menaçant pour la stabilité en Afrique en général, et en Guinée en particulier.

Selon Adama WADE, le taux des jeunes chômeurs sera 42% en 2050 (www.emedia.ns  / ; 31/08/2020 ;17h44).

En Guinée, le taux de chômage était de 5.2% en 2014, avec 11,1% dans les milieux urbains et 2.25% en milieux ruraux (Guinée_note_pays-perspective Économiques en Afrique 2018 ; p.9).

Pour résorber ces taux de chômage, les Autorités guinéennes ont mis en place le projet Booster les Compétences pour l’Employabilité des Jeunes (BoCEJ) en 2015, rattaché au Ministère en charge de la jeunesse et de la formation pour cinq ans. Ce projet a réalisé un financement de 50 milliards de GNF dans la formation des jeunes en entreprenariat et montage et gestion de projet (www.bcej-guinee.org; 31/08/2020 ;1801).

Malgré ces efforts remarquables fournis par l’État avec l’appui de ses partenaires, la problématique de l’emploi des jeunes demeure. Cet état pourrait être justifié entre autres par :

  • Le manque de ressources suffisantes chez les jeunes entrepreneurs pour financer leurs initiatives ;
  • Le coût élevé des services financiers des bailleurs de fonds ;
  • L’insuffisance des compétences des jeunes entrepreneurs sur le marché des affaires.

Face à cette situation, Al-Musharaka dégressive étant l’un des produits de cette finance participative devient une alternative incontournable pour la création de l’emploi durable des jeunes en guinée.

Mais qu’est-ce qu’une Musharaka dégressive ? Comment fonctionne-t-elle ? et comment les Autorités guinéennes peuvent-elles l’utiliser pour combattre le chômage ?

Qu’est-ce qu’une Musharaka dégressive ?

Al-Musharaka dégressive c’est un contrat d’investissement à long terme entre une personne physique ou morale et un associé dans l’intention de partager les profits et les pertes, tout en donnant le droit aux entrepreneurs de racheter les actions de l’investisseur en une seule fois ou de façon dégressive et pendant la période convenue (Pr. Wahaba zouhaily, 2002 ; p433-4).

Comment fonctionne-t-elle ?

Par le contrat d’Al-Musharaka, les deux parties définissent la part de chacune dans le capital et la clef de répartition des bénéfices au cours de la période du contrat. Des éventuelles pertes sont supportées proportionnellement à la part de chacun dans le capital.

L’entrepreneur rachète progressivement la part de l’associé dans le capital sur la base de taux d’amortissement déterminé dans le contrat.

Pour la gestion de la société, les deux parties ont le même droit de regard et de prise de décision. A cet effet, l’associé peut se faire représenter par une ou des personnes dans le management de commun accord avec l’entrepreneur et mentionné dans le contrat..

Comment les Autorités guinéennes peuvent-elles utiliser Al-Musharaka dégressive pour combattre le chômage des jeunes ?

Il n’est à démontrer que le contexte économique guinéen est marqué par un accès difficile des jeunes entrepreneurs aux fonds, dû non seulement à l’indisponibilité des garanties demandées par les établissements de crédit, mais aussi à l’insuffisance des compétences de ces jeunes.

Pour réduire la vulnérabilité des jeunes entrepreneurs guinéens dans ce contexte qui freine leur émergence économique, Al-Musharaka dégressive peut devenir un instrument efficace pour l’Etat.

Pour se faire, avec le partenariat public-privé, l’Etat doit participer dans le capital des entreprises des jeunes entrepreneurs guinéens en tant qu’actionnaire pour une période donnée.

Les actions de l’État sont amorties au fil du temps et de façon dégressive et sur la base du taux et des conditions d’amortissement prédéfini.

En tant qu’actionnaire expérimenté et avec le droit égal, l’État doit prendre part dans la gestion et la prise de ces jeunes entreprises à travers ces cadres compétents.

Les cadres qui représenteront l’État dans ces entreprises doivent être traités comme ceux en détachement jusqu’à la fin de leurs missions. Avec ce genre de partenariat et cette manière :

  • L’État pourrait sereinement assurer le transfert des compétences aux jeunes entrepreneurs, leur permettant de mieux gérer leurs entreprises après le rachat définitif de la part de l’État dans le capital ;
  • Les coûts des services financiers seront amoindris au cours de la période de participation de l’État, ce qui rendra ces jeunes entreprises plus compétitives ;
  • Les jeunes entreprises seront pérennisées, ce qui réduira le taux du chômage et de l’insécurité dans le temps ;
  • Les secteurs formels augmenteront et de facto les ressources fiscales de l’État.

Une fois les compétences transférées aux jeunes entrepreneurs, et les jeunes entreprises devenues compétitives et pérennes, le taux de chômage se réduira avec le temps.

C’est seulement avec cette façon qu’un pays se mettra à l’abri du phénomène de chômage des jeunes, qui est une bombe à retardement menaçant la stabilité des pays africains.

Le seul moyen pour anéantir cette bombe est la création et la pérennisation de l’emploi des jeunes. Al-Musharaka dégressive est l’un des outils efficaces de ce combat. Les Autorités guinéennes pourront-elles l’exploiter pour se mettre à l’abri de l’explosion sociale ?

Adama BERETE

Le Trésorier Général de l’Association Guinéenne pour la promotion de la Finance Islamique (AGFI), chargé de cours de l’économie islamique à l’université Al-Eamar de Guinée

Tel 🙁 +224) 622 99 49 12/662 62 21 01
E-mail : adama.berete@bcrg-guinee.org

Source: https://guineematin.com/2020/09/05/la-finance-islamique-une-alternative-pour-la-creation-de-lemploi-et-de-la-promotion-du-partenariat/?amp=1